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Société

Kinshasa : les "Kuluna" font la loi dans plusieurs quartiers, une pilule amère pour la population ( reportage)



Les criminels opérant en bandes organisées appelés, peut-être par euphémisme "Kuluna" tuent, violent et pillent impunément dans plusieurs quartiers de Kinshasa. 

A Pigeon dans la commune de Ngaliema , quartier abusivement appelé Lalou, les Kuluna décrétent même des jours fériés.

" Ils sont nombreux ici et nous avons l'impression qu'ils nous dirigent. Ils se battent régulièrement soit entre eux ou avec leurs congénères de Saint Léon ( ndlr : un quartier de Binza Delvaux). Parfois, nous nous réveillons dans les violences inouïes et c'est leur manière de décréter des jours fériés. On reste toute la journée dans nos maisons. C'est vraiment triste,  en pleine capitale. La PNC, très complaisante, est souvent inefficace. En plus, il n'y a aucun poste de police ici, pour ce grand quartier alors que la violence des Kuluna semble avoir atteint son paroxysme", a déclaré Justin Ngokwabienge, enseignant de l'école primaire interviewé tout près de la Paroisse Kimbanguiste sur l'avenue Betoko. 

A Selembao, dans le quartier Lubudi et le prolongement de l'ancien Sanatorium, la vie s'arrête à 18 heures comme le témoigne Firmin Mbwengi, habitant du quartier interviewé à l'entrée de l'Institut Scientifique et Littéraire de Selembao ( ISLS).

"C'est une zone rouge. Tu les vois là-bas ( ndlr : pointant du doigt quelques jeunes hommes aux yeux hangars dénotant ce qu'ils venaient de fumer : le chanvre). Ici, la vie s'arrête à 18 heures. Ils sont d'une violence extrême. Ce sont eux qui font la loi à partir de 18 heures. 

 Chercheur en gestion des conflits et expert en sécurité urbaine, Aubin Nzo Ntekolo analyse :" A l'époque de Luzolo Bambi ( ndlr : ancien ministre de la Justice), on les envoyait dans plusieurs prisons du Congo profond avec une pointe de dissuasion relative. Le Président de la République Félix Tshisekedi a décidé de les envoyer à Kanyama Kasese dans le cadre du service national, alors que la logique aurait été d'envoyer des gens condamnés et non des citoyens quasi libres .  Il faut donc réorganiser les choses. Je pense qu'il faut prendre la proposition d'un expert de Droit que j'avais suivi chez vos confrères de Bosolo na politik ( ndlr : une émission télévisée) qui s'appellerait Me Socrate ( sic). Il a proposé qu'on puisse faire évoluer le Code pénal en assimilant le Kuluna à un acte terroriste. Je prolonge sa proposition, que je partage par ailleurs, en appelant aussi à la levée du moratoire sur la peine de mort. Ces gens ( ndlr : les Kuluna) ne méritent que cela. Je voudrais aussi appeler la PNC, dans les communes, quartiers et consorts, à avoir des fichiers sérieux sur ces gens pour permettre des opérations de neutralisation bien ciblées. Les services non apparents doivent se montrer très efficaces en infiltrant ces essaims de voyous pour bien les cribler ". 

A Makala, c'est pire. Plusieurs domiciles ont été abandonnés. D'ailleurs, nous n'avons pas pu accéder à cette commune par le quartier Ngafani, car des bagarres rangées entre plusieurs " écuries ", ponctuées par des tirs de sommation nonchalants de la PNC ne nous ont pas permis d'avancer dans une telle situation quasi confuse. 

Jonathan Luzolo Lwa Nzambi M'Vangi,  habitant Makala vers la Paroisse catholique Saint Clément et qui a pu s'extirper du quartier en empruntant une voie aux sinuosités curieuses explique :"  Notre quartier, parait-il, c'est l'Ukraine . C'est comme  cela qu'ils l'ont baptisé. Les Kuluna sont nombreux et trop présents partout, comme bizarrement aussi la PNC, ce dernier temps. Le soir, la PNC et le Kuluna deviennent tous dangereux et c'est bien compliqué. Les Kuluna commettent tous les crimes et leurs chefs de bande appelés des généraux sont des criminels patentés sans âme humaine".

Plusieurs personnes reviennent sur la nécessité de donner un nouveau souffle à la tête de PNC - Kinshasa, dans les communes et dans les quartiers. 

"On nous accuse de devenir des chefs coutumiers dans les CIAT et S/CIAT, on nous accuse d'être inefficaces vis-à-vis de ces voyous qui nous ont toujours ciblés, mais la vérité, c'est que nous n'avons pas de moyens nécessaires pour travailler. Nous devrions en principe avoir des fichiers de sécurité dans chaque S/ CIAT pour bien faire opérer notre versant non apparent, mais plusieurs S/ CIAT n'ont même un seul ordinateur. En plus de cela, les criminels que nous arrêtons avec un complément de faits les chargeant sont libérés par la justice et reviennent dans les quartiers. Il faut une réponse holistique impliquant une logistique adéquate et une vraie justice. Nous avons tous peur de nous promener sans effet militaire dissuasif", s'est confié un commissaire principal de la PNC qui a requis l'anonymat.

Des nuits moroses avec une PNC de plus en plus dépassée, une volonté politique quasi déficitaire de toutes les institutions et une population livrée à elle-même. Que faire ? Rappeler l' ancien commissaire divisionnaire adjoint de la PNC -Kinshasa, Célestin Kanyama qui avait trouvé une réponse adéquate bien qu'ayant été aux antipodes d'un Etat de droit ? 

"La consommation à grande échelle du chanvre et l'impunité qui l'accompagne font craindre. Où est partie la dissuasive Police Anti Drogue ? On ne se gêne plus de fumer du chanvre partout. Les meilleures unités de la PNC qui ont toujours  fait la différence sont apparemment en détachement auprès de plusieurs autorités. Restituez- les- nous", a déclaré Jean Pierre Muhima Sadiki, natif de la commune de Bumbu.

Tebo Dia Mase




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